Quand j'arrive ça sent déjà l'encens.
Elle a sa petite robe indienne à col Mao pourtant, sur un jean, et des vieilles pataugas.
Je pose mon manteau, elle me prête des vieilles adidas blanches. Il y a comme une bosse dedans, au niveau du creux de la plante des pieds, j'ai l'impression de marcher sur des oeufs durs. C'est ça l'ergonomie?
Elle fume de côté, et quand elle pense des fois, elle ferme les yeux.
Des fois tellement longtemps que je me demande si elle m'a oubliée là.
Puis elle voit une bestiole, elle déteste les bestioles, tape dans ses mains..."Did I squeeeeeze you".....Et on continue à boire le vin.

(Malgré la croyance populaire, maigrir n'est pas forcément le but de tout anorexique.
Je ne veux pas maigrir et je suis anorexique pour d'autres raisons.)

L'avantage quand on est mince, je reste malgré tout mince et je ne suis pas encore maigre, c'est que l'on peut passer dans des espaces très réduits, comme les souris.
Au restaurant, inutile de déranger les autres convives pour aller aux toilettes, on s'infiltre entre les chaises, entre les tables, sans même frôler personne, sans faire tomber un manteau d'une chaise.
Dans un bar bondé, idéal de se frayer un chemin sans jouer au coude à coude, juste à suivre quelqu'un d'un peu plus large d'épaules.....
Les vendeuses des boutiques vous donne toujours la plus petite taille et sont à vos pieds.

Pas besoin de faire les courses, pas besoin de laver le frigo, pas besoin de faire la vaisselle.
Juste un petit tour à la pharmacie pour acheter des boost et le tour est joué.
Trois gorgées, 360 calories.

Et puis, parlons-en, vomir.
Vomir le ventre vide présente l'avantage de n'avoir ensuite aucune remontée désagréable dans le nez puisqu'on vomit son envie et rien d'autre. De l'air, au mieux un peu de salive. On peut s'aider de quelques gorgées d'eau pour diminuer les spasmes et enfin vomir concret.

Et puis la faim, parlons-en de la faim.
Rêver qu'on mange, rêver qu'on a faim et se réveiller la nuit avec des crampes et tellement FAIM.
Se rendormir, non je n'ai pas besoin de manger, pas besoin, pas besoin.

Et puis tout nous va bien. Les jupes, les pantalons moulants, presque plus de cellullite. On a l'air grande et belle et mince et chic habillée tout en noir avec ses talons aiguilles.
1m75 chaussée, 50 kg.
Quelle beauté, quelle grâce.

Mais où sont donc passé mes seins? Mes formes?
Ma féminité?
Moi?
Je me suis vomie.

Et puis ces cauchemards.
De faim, de fin, de mort, si je ne mange pas demain je vais mourir.
Ce cauchemard où je suis trop maigre pour être désirable. Je regresse à la pré-adolescence et au lit avec un homme il s'enfuit terrorrisé de mon corps d'enfant pas formé. Se réveiller avec la sensation intense de n'être plus qu'une ébauche de femme.
J'ai vomi.

Et puis ces crises d'hypoglycémie. Le monde tourne autour de moi, je ne peux plus penser, j'ai besoin de sucre, je le sentirais presque fondre sous ma langue. Alors je dors. Car je ne peux manger.
Vomir jusqu'à la première gorgée d'eau du matin.
Vomir le boost salvateur après trois gorgées.
Et puis pleurer prostrée devant la cuvette des toilettes, un goût de chocolat protéiné dans les narines. Pleurer de désespoir. Vomi mon boost.
Raté, pas réussi. Pas réussi à manger.

Appelez ses amis, s'il te plait, viens manger avec moi, sinon je n'y arriverai pas.

Mais ça n'est pas tout le temps comme ça. Je suis entrain de manger une tartine. Petit à petit. Car je ne suis pas d'accord.

L'anorexie c'est mourir à petit feu.
Moi je veux vivre.
Comment peut-on en arriver à lutter contre soi-même?

Lui ai envoyé : " Tu m'as vraiment blessée, je voulais que tu le saches".

Peux plus rien ressentir.
La moindre émotion fait trop mal, insupportable.
Ça enfle à l'intérieur, ça serre, ça brûle, ça donne envie de vomir.

Encore pas mangé.
Quand je suis toute seule je peux pas manger.
Alors ça me panique et me donne l'impression que je vais finir par mourrir.
Alors l'angoisse s'intensifie, l'envie de vomir aussi, adieu la résolution d'avaler la bouchée suivante.
Panique de redouter de ne pas être en état d'aller travailler. Perdre le boulot, les amis, la vie, que tout s'écroule, finir sous un pont. SDF. C'est ça que je vois et que je CROIS quand je ne peux pas faire entrer la fourchette dans ma bouche, tout en même temps, tout se mélange, angoisse totale en un éclair.
Désespoir de ne pas réussir à manger. Peur de la faiblesse, de l'évanouissement, que ça se voit.
Peine.
Colère contre ce corps qui se laisse mourrir un peu sans que moi je veuille.
Peur, peur, peur, peur qu'il soit plus fort que moi.
Comme si lui voulait mourrir et faisait tout pour, riant dans mon dos pendant que je voudrais manger-vivre. Pendant que j'essaye de m'accrocher et que je fais des efforts.
Rage, détresse, peine, colère peur.
Tout devient noir, mes muscles du dos se crispent et me déchirent, ça tourne, je me concentre sur ma respiration.
Et je pleure encore que ça soit encore arrivé.

Crise de PEUR.

Je veux qu'on m'aime.
Et comme ça marche pas comme je voudrais et que ça fait longtemps, je fais des dépressions.
La première c'était il y a 4 ans, j'avais 20 ans.
Ça avait duré un an.
Un an d'anti-dépresseurs et de psy.

Alors là c'est la deuxième si je compte bien.
Je veux juste qu'on m'aime.



J'AI ETE UNE PARENTHESE.

Cette fois c'est fini.
Pas d'autre tentative à faire, pas de certitude autre que celle-ci, c'est bel et bien fini.
Bruce m'a rayée de sa vie.


j'y arrive pas.

Se dire que demain il va faire trente, soleil et que c'est CONGÉ. YÉ.
Que ce soir on m'a donné 100 $ de pourboire.
Que j'ai trois jours de congé.
Que hier on m'avait livré des fleurs pendant que je travaillais alors quand je suis arrivée à la maison un bouquet m'attendait dans la boite aux lettres.
Que c'était la première fois qu'un homme hétérosexuel et non parent avec moi m'offrait des fleurs.
Que rentrer et écouter les Gipsy King chanter par dessus le bruit de la pluie de Montréal c'est cool quand même.
Que demain on voit sa pote. Qu'on va rigoler et s'apaiser, recharger les batteries.
Qu'on a de l'argent pour faire une bonne bouffe à sa pote, avec du vin même.
Et pas des pâtes.
Pour pas penser que d'un coup ça peut nous prendre cette crampe qui te plie en deux parce que tu as mal de lui. Et tu te dis, mais non, ça va aller, allez, je pleurerai tout à l'heure. L'envie de pleurer toutes les 5 minutes.Tomber à genoux, j'aurais du faire du théâtre.
Pour pas penser que c'est fini.

Trop lu Alexandre Jardin.

Bien retenu les leçons.
Vouloir un Jedi, une passion, le mouvement l'élan l'envie-la-vie.

Alors, choisir quelqu'un qu'on ne devrait pas, à cause de son âge, sa religion.....
Quelqu'un de très attirant.
Quelqu'un qui a les yeux qui brillent bien sûr.
Et oser y plonger un regard très soutenu juste parce qu'on a envie, qu'on est en vie.
Recommencer, encore plus soutenu pour qu'IL voit que c'est fait exprès, exagérer et affirmer qu'on exagère.
Le voir le voir et comprendre.
Le voir entrer dans le jeu.
Le voir y prendre part et même le relancer, l'entretenir.
Il devient maître du jeu.
alors introduisez un drame . Indispensable pour le grandiose et l'excès. Sinon rien n'existe n'est-ce pas?
Choisissez le jedi qui est déjà pris.
Beaucoup plus pimenté ça.
Sinon, trop facile hein, ça compterait pas.....
Brisez-vous les dents, le coeur.
Ne laissez pas mourir le drame, obligez-vous maintenant à le sortir de votre vie, dites-lui de ne plus vous approcher.
Regardez le sol pendant qu'il tourne le dos.
Voilà ensuite le push essentiel à l'histoire: la surprise de la vie....le hasard selon certains, ou le destin.....Il vous harcèle et ça vous donne des ailes, tout a bon goût.
Enfin ce que vous vouliez depuis le début arrive: vous vous consommez littéralement mutuellement.
C'était le but et la raison de toute l'histoire, de la Passion.
Il s'en va tout de suite après, en vous traitant de folle et en faisant la gueule.
Et depuis, plus de nouvelles, mais vous saviez dès qu'il était sorti que l'histoire était finie.
C'est bizarre mais depuis, je pleure un peu tous les jours.

C'était ça ma jardinite, vouloir l'impossible et l'avoir. Se raconter une histoire captivante et la mettre en scène avec succès. L'OBTENIR. Ce fut merveilleux.

Ce qui fut fait, alors laisser partir maintenant.
S'Il te plait. Je suis fatiguée.

Ne pas réussir à vivre des choses fortes autrement que dans la souffrance.

Échantillons des Sms que je me suis empêchée de lui envoyer entre 22h00 et maintenant (minuit).

"Game Over ?" (Phase résignation)
"Tu m'as envoutée j'en peux plus"
"Tu couches avec moi, tu t'enfuis en me traitant de folle, c'est assez blessant tu sais" (Phase j'écoute Promise me)
"j'espère que tu n'es pas entrain de te promener avec le string de quelqu'un d'autre sur la tête" (Phase "qu'est-ce qu'on se marre quand même")
"Fuck YOUUUUU BASTARD"
"Ouvre les yeux je suis la femme de ta vie"
"Alors, tu as repris des forces?????" (Par rapport à certaines de ses "faiblesses", Oula, bien fait de pas l'avoir envoyé, ouf)
"Moyen le service après-vente chez toi hein"
"Tu sais en fait je suis pas folle, c'est TOI qui me rend folle"

Disons qu'en me privant de portable, je n'ai peut-être pas fait que des économies...
Je deviendrais presque sage moi avec autant de contrôle.
Je deviendrais presque raisonnable.
Enfin, suis pas encore couchée......

"J'ai envie de ta langue entre mes cuisses".