(Malgré la croyance populaire, maigrir n'est pas forcément le but de tout anorexique.
Je ne veux pas maigrir et je suis anorexique pour d'autres raisons.)

L'avantage quand on est mince, je reste malgré tout mince et je ne suis pas encore maigre, c'est que l'on peut passer dans des espaces très réduits, comme les souris.
Au restaurant, inutile de déranger les autres convives pour aller aux toilettes, on s'infiltre entre les chaises, entre les tables, sans même frôler personne, sans faire tomber un manteau d'une chaise.
Dans un bar bondé, idéal de se frayer un chemin sans jouer au coude à coude, juste à suivre quelqu'un d'un peu plus large d'épaules.....
Les vendeuses des boutiques vous donne toujours la plus petite taille et sont à vos pieds.

Pas besoin de faire les courses, pas besoin de laver le frigo, pas besoin de faire la vaisselle.
Juste un petit tour à la pharmacie pour acheter des boost et le tour est joué.
Trois gorgées, 360 calories.

Et puis, parlons-en, vomir.
Vomir le ventre vide présente l'avantage de n'avoir ensuite aucune remontée désagréable dans le nez puisqu'on vomit son envie et rien d'autre. De l'air, au mieux un peu de salive. On peut s'aider de quelques gorgées d'eau pour diminuer les spasmes et enfin vomir concret.

Et puis la faim, parlons-en de la faim.
Rêver qu'on mange, rêver qu'on a faim et se réveiller la nuit avec des crampes et tellement FAIM.
Se rendormir, non je n'ai pas besoin de manger, pas besoin, pas besoin.

Et puis tout nous va bien. Les jupes, les pantalons moulants, presque plus de cellullite. On a l'air grande et belle et mince et chic habillée tout en noir avec ses talons aiguilles.
1m75 chaussée, 50 kg.
Quelle beauté, quelle grâce.

Mais où sont donc passé mes seins? Mes formes?
Ma féminité?
Moi?
Je me suis vomie.

Et puis ces cauchemards.
De faim, de fin, de mort, si je ne mange pas demain je vais mourir.
Ce cauchemard où je suis trop maigre pour être désirable. Je regresse à la pré-adolescence et au lit avec un homme il s'enfuit terrorrisé de mon corps d'enfant pas formé. Se réveiller avec la sensation intense de n'être plus qu'une ébauche de femme.
J'ai vomi.

Et puis ces crises d'hypoglycémie. Le monde tourne autour de moi, je ne peux plus penser, j'ai besoin de sucre, je le sentirais presque fondre sous ma langue. Alors je dors. Car je ne peux manger.
Vomir jusqu'à la première gorgée d'eau du matin.
Vomir le boost salvateur après trois gorgées.
Et puis pleurer prostrée devant la cuvette des toilettes, un goût de chocolat protéiné dans les narines. Pleurer de désespoir. Vomi mon boost.
Raté, pas réussi. Pas réussi à manger.

Appelez ses amis, s'il te plait, viens manger avec moi, sinon je n'y arriverai pas.

Mais ça n'est pas tout le temps comme ça. Je suis entrain de manger une tartine. Petit à petit. Car je ne suis pas d'accord.

L'anorexie c'est mourir à petit feu.
Moi je veux vivre.
Comment peut-on en arriver à lutter contre soi-même?